La prévention du contentieux de la gestion électronique des documents

Lathématique de la gouvernance est réellement montée en puissance ces dernières années. Les entreprises privées, les collectivités et même les ministères ne peuvent plus faire l’économie d’une réflexion sur la gouvernance de l’information et des documents.
La maîtrise et la sécurisation des flux documentaires multicanal est l’enjeu majeur des entreprises. La gestion électronique de documents (GED) recouvre l’ensemble des processus permettant la centralisation et l’homogénéisation de flux hybrides et leur archivage probatoire durable.

 

Définitions:

La GED ou de l’anglais Records Management  a pris une connotation juridique tenant au fait qu’il s’applique aux seuls documents ayant été validés ou enregistrés et ayant de ce fait acquis une valeur probante.

La GED ou Gestion Electronique des Documents se définit comme un « ensemble de logiciels concourant à réaliser les diverses étapes de la chaine de traitement d’un document : acquisition, restitution, diffusion».

La GED est donc une application logicielle qui vise à identifier, classer, archiver, préserver, et quelquefois détruire des documents dotés d’une certaine valeur juridique. Son objectif est d’organiser de manière efficace et systématique tous les documents ou données dont une entreprise peut avoir besoin pour justifier son activité, dans un objectif de traçabilité, d’intégrité, de sécurité et de pérennité des informations mais également de respect des exigences légales.

 

Contexte historique et cadre légal :

 

La théorie des trois âges des archives est une thèse selon laquelle le cycle de vie d’un document d’archives connaît trois phases: une période dans laquelle il sert pour son utilité première, une deuxième étape intermédiaire dans laquelle il est archivé provisoirement et reste accessible en cas de besoin imprévu, puis un dernier stade qui consiste en son archivage pérenne.

Ce modèle est reconnu juridiquement en France par l’adoption de la loi du 3 janvier 1979, qui établit une définition légale des archives publiques et privées prévoit leur conservation et leur usage.

Il constitue l’un des axes qui détermine la sélection, donc le tri et l’élimination, des documents publics.

Le décret du 3 décembre 1979 ajoute une disposition précisant que le triage des documents requit ne doit s’effectuer avant la perte de leur utilité administrative, sans toutefois préciser de manière plus opérante la durée de vie d’une archive courante ou le moment effectif du tri.

Au niveau public, en particulier, le législateur est intervenu à plusieurs reprises entre 1978 et 1979 afin de faciliter l’accès des usagers aux documents administratifs et aux archives publiques, au travers des lois n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives, du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, du 17 juillet 1978 relative à l’accès aux documents administratifs et du 11 juillet 1979 concernant la motivation des actes administratifs.

L’enjeux règlementaire actuel pour les entreprises privées :

 

Une entreprise acquiert et produit tout au long de son activité un grand nombre de documents. Certains sont vitaux (les comptes annuels, les procès-verbaux d’assemblées, les titres de propriété́ ou les contrats), et doivent être conservés pour répondre à l’environnement règlementaire propre à chaque secteur d’activités (ex l’AMF pour le secteur de la finance, la CNIL pour la gestion des données personnelles, les juridictions en cas de conflit).

D’autres encore, les documents dits « de travail » tels que les comptes rendus, les rapports, les documents bureautiques, peuvent être consultés dans le but de prendre une décision. Par conséquent, la gestion et la conservation des documents au sein de l’entreprise sont des activités essentielles. Elles répondent à des objectifs d’ordre juridique et légal, à des enjeux patrimoniaux (constituer une mémoire d’entreprise et conserver les documents relatifs à l’histoire et à l’activité de l’entreprise) et à des enjeux stratégiques.

Les solutions de GED (Gestion Electronique de Documents) se sont répandues dans les entreprises à partir des années 1990. Elles sont désignées en anglais par l’expression Electronique Document Management (EDM). Le qualificatif « électronique » rend compte de l’évolution des systèmes de gestion, désormais capables de reproduire le document sous forme numérique et de proposer un accès direct à celle-ci. Ces solutions n’ont pu voir le jour qu’en raison des évolutions technologiques : les technologies de numérisation (scanners) et les OCR (Optical Caracter Recognition) ont rendu possible l’acquisition de documents sous forme numérique ; les plates- formes numérique (cloud) offrent des espaces de stockage plus importants, l’architecture réseau type Intranet favorise l’accès aux documents.

La mise en place d’une GED dans une entreprise présente notamment les avantages suivants:

 

  • Accès rapide et à distance aux documents : le réseau (l’Intranet le plus souvent) permet l’accès à la base de GED et rend possible une consultation immédiate des documents ;
  • Base unique pour l’ensemble des documents de l’entreprise : les documents produits ;
  • Stockage unique : dans l’entreprise tous les documents sont stockés dans une même base, prévenant ainsi le risque d’une dispersion des documents ;
  • Conservation des documents : le système de GED garantit la conservation des documents produits dans l’entreprise, et assure la pérennité dans l’accès aux documents.

Une solution de GED est donc mise en œuvre pour répondre aux besoins des utilisateurs. Son objectif premier est de faciliter l’accès aux documents par les membres de l’entreprise. Par conséquent, les fonctionnalités de recherche, la gestion des accès aux documents et les processus de publication sont les principales fonctionnalités d’un système de GED.

En revanche, les documents présents dans la base documentaire d’un système d’archivage ont pour but de constituer un ensemble exhaustif de documents de preuve pour l’entreprise. Pour cette raison, les documents ne doivent pas subir de modification, le contexte de création du document doit être transparent (auteur, date, motif, destinataire).

Les projets d’archivages numériques de toutes sortes sont de plus en plus nombreux (que ce soit la réorganisation d’une GED ou la mise à plat des process). Ils répondent à la prise de conscience par le management des enjeux liés à la dématérialisation massive de l’information. Or, la numérisation des documents est sujette à débat dans le domaine juridique.

La loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique est un texte fondateur car il introduit des notions fondamentales dans le système juridique. Il s’agit de « prendre acte de l’existence des technologies de l’information et d’adapter le droit de la preuve à cette donnée de fait ».

L’article 1316-1 du Code Civil définit l’écrit de façon suivante : « La preuve littérale ou par écrit résulte d’une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission ». Cela signifie que quel que soit le support du message, il a valeur d’écrit au sens juridique.

Les deux articles cités ci-dessous définissent le principe d’égalité probatoire entre tous les écrits. Toutes les formes d’écrits qu’ils soient papiers ou numériques se valent.

« Art. 1316-1. – L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. »

« Art. 1316-2. – Lorsque la loi n’a pas fixé d’autres principes, et à défaut de convention valable entre les parties, le juge règle les conflits de preuve littérale en déterminant par tous moyens le titre le plus vraisemblable, quel qu’en soit le support. »

L’Egalité probatoire entre le support papier et numérique est soumise à deux conditions :

  • –  l’identification de l’auteur : Cela signifie l’établissement d’un lien entre un document et celui qui l’a rédigé. Pour que le document s’impose comme une preuve, il est nécessaire que ce lien se trouve établi par une expertise.
  • –  l’intégrité du message : « La loi fait des conditions de sa conservation un élément spécifique et déterminant de sa validité́. Spécifique parce que cette exigence n’a aucun équivalent dans le monde du papier et résulte de sa structure propre ». La manière dont le document numérique est conservé est le gage de sa valeur juridique.

 

Les enjeux d’une bonne GED :  Répondre aux contraintes légales en matière d’archivage

 

La législation nationale et les réglementations internationales imposent certaines contraintes en matière d’archivage :

  • •Assurer l’authenticité d’un document,
  • •Identifier l’auteur d’un document,
  • •Stocker des documents pendant plusieurs années,
  • •Prévenir la destruction accidentelle de documents,
  • •La GED offre des outils (signature, validation, archivage) pour répondre à ces contraintes.

 

La durée de conservation des documents apporte une réponse à plusieurs enjeux, qu’ils soient stratégiques ou légaux. En effet, la conservation des documents permet en cas de contrôle d’un organisme d’être en mesure de présenter les documents qui seront demandés. De même en cas de cession de tout ou partie des activités d’une entreprises de s’assurer que l’opération ne sera pas remise en cause pour défaut de GED qualitative.

Pour cela il est nécessaire de respecter les différentes étapes du cycle de vie d’un document et les modes de conservation adaptés afin de s’assurer de la conformité de son activité sur le plan juridique.

 

Les risques juridiques d’une absence ou d’une mauvaise GED :

 

  • Absence de protection juridique : cela signifie un risque potentiel de remise en cause de chaque accord commercial avec le risque d’un contentieux long et onéreux et une atteinte à la réputation de l’entreprise.
  • Atteinte à la valeur juridique d’un document : cela signifie le risque potentiel de remise en cause du caractère probant des documents produits et de leur possible dénonciation ou de l’impossibilité d’engager les partenaires jusqu’aux termes de leurs prestations sans titre légitime pour demander des réparations ou très difficilement.
  • Contestation de l’exercice des pouvoirs administratifs ou juridictionnels : cela implique la possibilité de perdre le titre servant de base à l’action en justice.
  • Non-conformité́ législative ou règlementaire : cela comporte la possibilité de sanctions administratives et pénales inhérents aux manquements compte tenue de la législation en vigueur (lois, règlements…).
  • Litiges: cela signifie un risque de contentieux pour l’entreprise, chronophage, onéreux et préjudiciable pour sa réputation.

 

Les freins opérationnels classiques :

 Adopter un processus de management de la GED nécessite d’avoir une approche globale qui vise à rendre interopérables des solutions qui ont servi à dématérialiser la relation client, les factures fournisseurs ou encore les contrats, par exemple, mais qui n’ont pas forcément exploité les mêmes systèmes. Enfin, l’aspect humain est essentiel dans ces mutations, la gouvernance documentaire doit garantir l’accès et le partage de l’information à chaque collaborateur. Ce qui implique un mode collaboratif adapté dans lequel le document numérique correctement indexé est disponible pour chaque collaborateur, mais cela favorise aussi de nouvelles compétences et donc de nouveaux métiers, comme la gouvernance de l’information.

Il conviendra de choisir la solution adaptée aux besoins et à l’environnement de l’entreprise et d’identifier ses principaux besoins (classement et recherche, partage, accès distant, automatisation des processus, diffusion, etc.).

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