Sécuriser le cofondateur d’une startup contre une éviction

Le schéma de l’éviction de l’associé cofondateur d’une Start up est souvent le même, trois brillants amis d’enfance qui partagent la même passion et décident, après avoir développé une techno, de monter leur startup et de débuter l’aventure entrepreneuriale.Tout est fondé sur la confiance, la communication et le partage…lorsque tout va bien. Mais l’âpre expérience des affaires démontre que très vite peuvent survenir des souhaits divergents dont la manifestation peut porter atteinte au bon développement, la croissance et la pérennité de la Start up.

C’est à ce moment et après l‘échec des tentatives de conciliation interne que se pose la question de l’éviction d’un cofondateur, notamment auprès de l’avocat. L’actualité des Start up regorge d’exemples d’évictions de cofondateurs célèbres non anticipées.

 

1. L’éviction du dirigeant de la startup, une réalité du monde des affaires

 

Le développement d’une Start up n’est jamais facile et des tensions peuvent apparaitre plus tôt que prévu entre cofondateurs. Ces difficultés vont parfois jusqu’à l’éviction d’un des fondateurs, sacrifié au nom des intérêts supérieurs de la Start up. En effet de nombreux exemples ayant défrayé la chronique du monde des affaires sont venus renforcer ce constat.

 

Uber : Eviction de Travis Kalanick

 

Le récent départ de Travis Kalanick, demandé par ses investisseurs le 20 juin dernier, rappelle l’importance de la responsabilité qui incombe au dirigeant et du maintien de ses liens avec ses cofondateurs et ses investisseurs. Le cofondateur et CEO de la plateforme américaine de voiture avec chauffeur VTC, UBER, a été mis en difficultés après plusieurs polémiques sur le climat sexiste et les discriminations qu’il avait laissé s’installer au sein de l’entreprise.

Une semaine avant son éviction, Travis Kalanick avait déjà accepté de prendre du recul, délaissant son poste de Directeur général pour une période indéterminée[1]. Cinq investisseurs membres du Conseil d’Administration, avaient réclamé sa démission.

Ce départ non préparé d’un point de vue stratégique n’était pas sans conséquence pour la Start up. En effet, sans successeur préalablement désigné, l’intérim de la direction est assuré par les quatorze responsables constituant jusque-là le deuxième échelon hiérarchique de l’entreprise en attendant l’arrivée d’un nouveau patron.

 

Apple : Eviction de Steve Jobs

 

Un autre exemple marquant, fut le cas de Steve Jobs, cofondateur d’Apple en 1976 évincé de sa propre entreprise en 1985. En désaccord avec John Sculley qu’il avait lui-même recruté au poste de Directeur Général. Steve Jobs souhaitait favoriser le développement du Macintosh au détriment de l’Apple 2. Le Conseil d’administration s’est positionné en faveur de Sculley.

 

Facebook : Eviction d’Eduardo Saverin

 

Associé alors à hauteur de 30% du capital, le premier CFO[2] de Facebook voit ses parts réduites à 10% dès l’essor de la société, puis il constate que son nom a été retiré de la liste des cofondateurs du site. Après un procès ayant conduit à une résolution amiable, il est reconnu comme cofondateur de Facebook et obtient un dédommagement significatif se chiffrant en millions de dollars.

 

Twitter : Eviction de Jack Dorsey

 

Jack Dorsey a été évincé deux ans après avoir cofondé la Start up Twitter au profit de son cofondateur Evan William. Il est néanmoins nommé président du Conseil d’Administration. Dans l’intervalle il fonde Square et il est plus tard rappelé pour occuper le poste de CEO chez Twitter en 2011[3].

 

Snapchat : Eviction Reggie Brown

 

Le troisième cofondateur de Snapchat a été payé 158 millions de dollars pour disparaitre. Après avoir été évincé par les deux cofondateurs, Evan Spiegel CEO et Bobby Murphy le développeur principal ayant secrètement créé une nouvelle Start up afin de se partager les titres en 60 et 40%. Reggie Brown porte plainte deux ans plus tard devant la Cour Suprême de Los Angeles et revendique une part équitable de 20% de Snapchat[4].

La France n’est pas en reste….

 

Morning : Eviction d’Eric Charpentier

 

La Banque Edel (filial de Leclerc) reprend la fintech Morning sans son fondateur. Edel acquiert la Start up concurrente de la Maïf, sans Éric Charpentier, en prenant une participation « Evolutive avec le temps » et ayant placé ses propres dirigeants à la tête de la Start up[5].

 

Sarenza.com : Eviction de Francis Lelong

 

Le cofondateur et PDG du site spécialisé dans la vente de chaussures en ligne fut poussé à la démission par ses deux associés Yoan Le Berrigaud et Franck Zayan. Francis Lelong avait sollicité deux fonds de capital -risque pour financer le développement de la Start up. En 2007 les fonds ont souhaité obtenir son éviction pour le remplacer par Stéphane Treppoz. Les deux cofondateurs ont accepté pour conserver l’appui financier et ont obtenu le renvoi de Lelong par le Conseil d’administration[6].

 

Cozycloud : Eviction Franck Rousseau

 

Les actionnaires de Coszycloud ont décidé de révoquer Franck Rousseau de son poste de CTO[7] après des divergences survenues entre deux fondateurs de la Start up française Benjamin André PDG et Franck Rousseau CTO et DG, après plusieurs mois d’une divergence qui brouillait la gouvernance de la Start up.

Les conditions de cette éviction ne s’étant pas très bien déroulées notamment pour le PDG évincé; passé d’un poste technique à un poste d’actionnaire, ce dernier a souhaité donner des suites judiciaires[8].

La réalité et l’âpreté du monde des affaires, mises en exergue au travers de ces exemples, qui passé la zone de succès, démontre l’intérêt pour la Start up de s’inscrire dans une logique de responsabilité vis-à-vis des associés cofondateurs, des investisseurs, des collaborateurs et des partenaires.

C’est la raison pour laquelle, le conseil juridique du startuppeur peut à travers différents outils et méthodes, l’aider à anticiper ces situations afin de sécuriser au maximum sa position de dirigeant.

 

2. L’anticipation du risque d’éviction facteur de sécurisation de la position du cofondateur

 

« On ne nait pas dirigeant on le devient ».

Le startuppeur est généralement une personne intéressée par le développement d’un projet innovant. Il est donc normal qu’il n’ait pas la connaissance de tous les aspects de la fonction de dirigeant et de ce fait, il peut être amené à commettre des erreurs qui à terme pourraient faire de lui un obstacle à évincer.

On trouve un grand nombre de situations où le startuppeur devient un obstacle au développement, voir tout simplement à la pérennité de son entreprise :

  • Un besoin très fort de tout contrôler qui peut ainsi entraver la croissance de la startup ;
  • Un attachement émotionnel à un produit, un client, un mode opératoire et refus de prendre des options stratégiques ;
  • La recherche de la croissance à tout prix y compris au moyen d’un Business Modèle non viable ;
  • Une résistance et une opposition à tout changement de marque ou de logo.

La fréquence avec laquelle le startuppeur devient un problème pour son entreprise est importante et les conséquences en termes d’investissement, de réputation et surtout de temps sont bien souvent sous-estimés.

Ces difficultés se manifestent le plus souvent concomitamment à la survenance d’opérations cruciales pour la startup :  besoin de financement, levée de fond, partenariat, diversification d’activités, etc.

D’où la question délicate et complexe pour les associés et investisseurs, mais néanmoins fondamentale : Comment éviter qu’un cofondateur ne devienne un obstacle au développement de sa Startup et comment arrêter les dégâts quand la prévention n’a pas fonctionné ?

  • LA PREVENTION DE LA START UP CONTRE LE SYNDROME D’ICARE

Le Syndrome d’Icare, en substance est le processus par lequel les facteurs de succès d’un sujet créent les conditions de son échec, tel Icare qui veut se rapprocher du soleil. C’est donc répondre à la question, comment protéger la Start up contre les excès d’un cofondateur (même de génie) dont les pratiques à l’origine du succès, à terme et sans intégrer les conventions du monde des affaires, peuvent desservir gravement les intérêts de la Start up. A cet égard l’exemple de Travis Kalanick, PDG d’Uber est un parfait cas d’école.

Face à ses risques, l’assistance d’un conseil juridique est recommandée pour :

  • Mettre en place un règlement intérieur ;
  • Mettre en place une charte éthique rappelant les valeurs de la startup ;
  • Améliorer la formation des managers ;
  • Favoriser la diversité des équipes ;
  • Interdire la consommation d’alcool ;
  • Intervenir les relations internes avec un supérieur hiérarchique.

 

L’éviction du cofondateur est une question lourde de conséquences mais cependant stratégique, elle ne doit donc pas être évitée jusqu’à atteindre la pire situation pour une Start up en croissance, l’inertie.

Lorsque le startupper devient un problème entravant pour son entreprise, rien n’a généralement été prévu et donc l’opération est très mal vécue.

Il est intéressant de poser la question de l’éviction d’un associé cofondateur dans un document spécial prévu pour préciser les conditions du partenariat des cofondateurs dès le début de la création de la Start up, c’est le pacte d’associés.

Le Pacte d’associés est un contrat dont l’objet est d’encadrer les relations entre les associés signataires en fixant des règles impératives auxquelles les associés devront se conformer durant toute la durée de l’accord. Au travers de cet accord, les associés pourront anticiper les situations de blocage et s’accorder par avance sur la manière de répondre à telle ou telle situation. Contrairement aux statuts, le pacte d’associés n’est pas déposé au greffe du tribunal de commerce et ne sera donc pas connu des tiers. Il permet ainsi de fixer des règles de fonctionnement propres aux cofondateurs et ne seront connues que par eux.

De nombreux mécanismes, plus ou moins complexes pourront être mis en place :

  • Clause de non concurrence
  • Clause de non-débauchage
  • Promesse de vente
  • Clause de buy or sell
  • Promesse d’achat / promesse de vente
  • Clause d’agrément / de préemption

La variabilité du capital social permet de spécifier dans les statuts :

  • Un droit de retrait,
  • Une clause d’exclusion

Le contenu du pacte d’associé sera le fruit d’une négociation entre les cofondateurs signataires. L’accord sera d’autant plus pertinent qu’il aura été prévu avant la survenance d’un incident, par exemple, idéalement avant ou suivant la rédaction des statuts. L’assistance de votre conseil juridique sera d’autant plus pertinente que les enjeux en cause sont importants. Il sera un support indispensable pour vous éclairer sur les point à traiter, les situations à éviter et les moyens de sécuriser vos objectifs.

Le Cabinet Levrel accompagne les startups et les sociétés sur l’ensemble des problématiques stratégiques de gouvernance, notamment contre le risque lié à l’éviction d’un cofondateur.

Pour en savoir plus, contacter le Cabinet Levrel.

[1]Extrait article de presse : Par Jérôme Marin correspondant le Monde.fr à San Francisco, USA :http://www.lemonde.fr/entreprises/article/2017/06/21/travis-kalanick-patron-d-uber-quitte-definitivement-le-groupe_5148499_1656994.html

[2] Chief Financial Officer – Directeur financier

[3] Extrait Aude Fredouelle, JDN :http://www.journaldunet.com/ebusiness/le-net/jack-dorsey-jack-dorsey-biographie.shtml

[4] Extrait article, Leila Marchand, Le monde.fr : https://www.lesechos.fr/03/02/2017/lesechos.fr/0211765047595_l-etonnant-troisieme-cofondateur-de-snapchat–paye-158-millions-de-dollars-pour-disparaitre.htm

[5] Extrait article équipe dynamique entrepreneuriale, dynamic-mag.com :http://www.dynamique-mag.com/article/top-entrepreneurs-trahis-collaborateurs.6798

[6] Extrait article équipe dynamique entrepreneuriale, dynamic-mag.com :http://www.dynamique-mag.com/article/top-entrepreneurs-trahis-collaborateurs.6798

[7] Chief Technology Officier _ Directeur de la technologie

[8] Extrait article Ariane Becky, Silicon : http://www.silicon.fr/cozy-cloud-evince-cofondateur-franck-rousseau-153610.html?inf_by=595a32ff671db8c6168b477b